L'USAGE DES ARTS MARTIAUX
KUNG-FU ET TRAVAIL SOCIAL

Utilisation du concept "yin-yang" dans le travail social

Joaquim Fernandez

 

Mémoire présenté à l'Ecole d'Etudes Sociales et Pédagogiques, "Ecole de Service Social et d'Animation, Lausanne" pour l'obtention du diplôme d'Assistant Social et d'Animateur Socioculturel

Remerciements

Pour l'aide précieuse et patiente qu'il m'a apportée durant mon travail, je tiens à remercier mon directeur de mémoire, le Dr Gérard Salem.

Pour les indications utiles qui m'ont été transmises concernant les différentes thématiques présentées ici, je remercie Arianne Poget, Ana Rodriguez et Laurence Perrin (rédaction et analyse des textes), et le Dr Bertrand Piccard (rituel et philosophie).

Pour les témoignages qui m'ont été remis, concernant la corrélation entre le travail social et les arts martiaux, je remercie Stéphane Coiana (J+S), Claude Schranz (police et prévention), Olivier Barbet (arts martiaux), le Dr Bertrand Piccard (santé) et Claude Albanesi (sport et enseignement).

Pour l'accompagnement moral dans cette étude, je tiens à remercier tout particulièrement, mes parents, l'équipe de l'Académie de Kung-Fu Chuãn-Shu, mes ami(e)s et mon chien Cuencky.

Objet d'étude clin d'oeil !

Par mon Mémoire, ma démarche, a consisté à brosser d'abord un bref tableau de la problématique de la violence, en particulier chez les jeunes, tout en examinant quels sont les dispositifs actuels mis en place par la société pour la prévenir ou la réprimer. Après un aperçu sur mon parcours personnel et professionnel, j'ai planté le décor d'un quartier citadin (la Bourdonnette) offrant un intérêt particulier dans ce contexte d'étude. Après quoi, j'ai tenté d'esquisser un panorama des divers arts martiaux afin de permettre au lecteur de mieux situer le Kung-Fu sans oublier l'arrière plan philosophique auquel une telle pratique reste indissolublement liée. Le rituel des arts martiaux, comme leur contenu symbolique, apporte ensuite un éclairage particulier à la façon dont les enfants et les jeunes, exposés à la violence peuvent en tirer un parti utile dans la sublimation de comportements nocifs. La discussion reprend ce thème en débattant de l'intérêt du Kung-Fu dans le travail social. Enfin, ceci prépare l'exposé du travail d'animation en montrant diverses formes d'interventions pédagogiques sur le terrain et le parti qu'il est possible de tirer des arts martiaux.

Les opinions émises dans cette étude n'engagent que l'auteur

Table des matières

Introduction 1

Chapitre 1) : La Violence

1.1 La violence: bref survol
- Aspects biologique
- Aspects sociaux

1.2 Le constat: quelques chiffres
- La violence sur les enfants et les jeunes
- La violence sur les femmes
- Effets et conséquences de la violence, par des formes de dépendances
- La violence auprès des enfants des sociétés en voie de développement
- La violence générée par l'inéquité des richesses dans le monde
- La violence par les gouvernements
- La violence de par les armes
- La violence auprès de notre environnemen
- La violence en Suisse

1.3 Dispositifs actuels
- En terme d'analyse personnelle

Chapitre 2) :Itinéraire personnel

2.1 Aperçu du parcours professionnel d'un travailleur social

2.2 Le quartier de la Bourdonnette à Lausanne

2.3 A propos d'une expérience professionnelle des arts martiaux
     (aspects anecdotiques personnels de la confrontation à la violence)

Chapitre 3) : Le Kung-Fu

3.1 A propos d'une académie de Kung-Fu

3.2 Définition du Kung-Fu
- Les arts martiaux japonais
- Bref historique du Kung-Fu
- Description de l'art martial chinois
- Différents styles et Ecoles
- Les composantes
- Quelques appellations
- Titres de respect
- Le combat
- Le Kung-Fu, un sport complet !

3.3 Intérêt suscité par cette pratique
- Etats, Fédérations et organismes d'Etat

Chapitre 4) : Le Tao

4.1 La philosophie du Kung-Fu

4.2 Le Taoïsme et le yin, yang
- Définition et origine
- Les repères du Tao
- Le concept du yin, yang
- Utilisation du yin et du yang

4.3 Le " chi " comme énergie universelle
- Le Chi Kung..., travail de l'énergie

4.4 La violence selon le Taoïsme
- L'art de la guerre

Chapitre 5) : Le Rituel

5.1 Le Kung-Fu: repères, normes et rituels

5.2 Les éléments symboliques
- Les symboles les plus représentatifs dans le Kung-Fu et dans le Taoïsme

5.3 Les formes de ritualisation
- La " violence " ritualisée
- Intérêt de la ritualisation de l'agression

5.4 La ritualisation de "l'extrême"

Chapitre 6) : Le Travail social

6.1 Brèves approches analogiques entre le Kung-Fu et l'animation socio-culturelle
- Quelle structure pour quel travailleur social ?
- La place du Kung-Fu dans le contexte du travail social

6.2 Le Kung-Fu: une démarche pour intégrer la violence.

6.3 Population concernée

6.4 Témoignages

Chapitre7) : L'Animation

7.1 Aspects pédagogiques
- Le sport avec des enfants
- Les moniteurs(trices)
- La branche sportive

7.2 Interrelations et méthodes d'intervention sur le terrain en tant qu'instructeur
- Par rapport aux enfants
- Par rapport aux adolescents
- Par rapport au lieu
- Par rapport au sport... la Charte du Fair-Play !
- Considérations pédagogiques à prendre en compte lors des entraînements d'arts martiaux

7.3 L'application de l'art martial idéal

7.4 Enseignement ou éducation

Chapitre 8) : Conclusion

8.1 Discussion sur l'intérêt du Kung-Fu

Bibliographie

Annexe: remarques concernant le dispositif bibliographique

Note: provenance dans cet ouvrage des dessins et des photographies

Le Mémoire totalise 176 pages

Introduction

Notre société souffre d'un malaise social autant qu'individuel; ceci depuis l'aube des temps. La violence, présente au quotidien, contribue à ce malaise, tout en étant parfois interprétée comme le reflet d'une civilisation en perdition, en proie à un déséquilibre des énergies.
L'homme lutte pour la vie, d'autant plus qu'il prend conscience de sa mort. Les liens dont dépend son bonheur doivent être faits d'un savant équilibre entre ce que les autres attendent de lui, ce que lui-même attend de lui-même et ce qu'il est réellement. Cet équilibre dépend de toute évidence d'une harmonie avec soi-même, avec autrui et l'environnement.
Face à l'ascencion de la violence, l'espoir d'un monde meilleur n'est envisageable que par la sublimation de ce fléau en des formes d'énergie propres à la vie et aux besoins essentiels de l'espèce humaine.

L'art martial et plus précisément le Kung-Fu (la voie de l'homme) est une de ces voies qui permet " l'épanouissement " de l'individu.

Le Kung-Fu (ou Wu-Shu en Chine) prend ses racines dans la civilisation chinoise. Son art est un des échos du Tao, matrice de la pensée chinoise, son " sens commun " comme disait Marcel Granet. Le concept yin et yang y est constamment présent imprégnant ses mouvements, l'esprit de ses gestes, ainsi que la conception d'une vie où rien n'est absolu, et qui place l'homme entre ciel et terre; dans une perspective connaturaliste et holistique.
Ne retrouve-t-on pas dans cette même assise philosophique de base les idées qui inspirent le travailleur social dans ses démarches, surtout s'il est imprégné de la pensée écosystémique moderne ? L'accomplissement de l'être doit d'abord se réaliser en soi pour aller vers l'autre.

Le Kung-Fu est d'abord une manière de vivre.
Comme tous les arts martiaux, il se fonde sur des normes, des rituels, des symboles et des archétypes, autant de repères et de valeurs dans la conduite sociale.

A mon avis, les arts martiaux constituent un excellent moyen de répondre à certaines problématiques sociales, car par un enseignement adéquat, ils permettent de favoriser la reconnaissance de la personne, de faciliter " l'ordre dans le désordre " en soi et dans le tissu social.

L'art martial véhicule non seulement une certaine spiritualité (le lien entre l'homme, la nature et l'univers, concept du yin et yang, de la philosophie taoïste), mais aussi une forme d'action, de lutte (intérieure et extérieure) ce qui ouvre un champ d'intervention et de préventions sociales dans le cadre de l'animation socio-culturelle. Enfin, il apporte quelques pistes originales à la résolution de certaines problématiques sociales (notamment dans les populations à risque et dans la délinquance). L'art martial, le Kung-Fu, ne constitue certes pas une solution miracle, toutefois, il favorise de tout temps la capacité de bien-être de l'individu. Il a aussi une fonction régulatrice sur des populations diverses : sur des minorités en Occident et sur des civilisations entières en Orient.

En me fondant sur ce constat et sur mon expérience à travers ma pratique des arts martiaux, et sur le terrain en tant qu'animateur et assistant social, j'ai tenté d'aborder ces questions en examinant leur pertinence dans le champ du travail social et en y consacrant (non sans y mettre une touche personnelle) mon mémoire de fin d'année à l'École d'Études Sociales et Pédagogiques de Lausanne.

Ma démarche, comme on le verra dans ce qui suit, a consisté à brosser d'abord un bref tableau de la problématique de la violence, en particulier chez les jeunes, tout en examinant quels sont les dispositifs actuels mis en place par la société pour la prévenir ou la réprimer. Après un aperçu sur mon parcours personnel et professionnel, j'ai planté le décor d'un quartier citadin offrant un intérêt particulier dans ce contexte d'étude. Après quoi, j'ai tenté d'esquisser un panorama des divers arts martiaux afin de permettre au lecteur de mieux situer le Kung-Fu sans oublier l'arrière plan philosophique auquel une telle pratique reste indissolublement liée. Le rituel des arts martiaux, comme leur contenu symbolique, apporte ensuite un éclairage particulier à la façon dont les enfants et les jeunes, exposés à la violence peuvent en tirer un parti utile dans la sublimation de comportements nocifs. La discussion reprend ce thème en débattant de l'intérêt du Kung-Fu dans le travail social. Enfin, ceci prépare l'exposé du travail d'animation en montrant diverses formes d'interventions pédagogiques sur le terrain et le parti qu'il est possible de tirer des arts martiaux.

Chapitre 8) : Conclusion

8.1 Discussion sur l'intérêt du Kung-Fu

De crainte de me répéter, je ne saurais trop revenir sur l'intérêt mais encore sur l'importance de la pratique des arts martiaux, dont le Kung-Fu, dans le travail social. Aussi, je souhaite être bref dans cette conclusion, car l'étendue de cette étude témoigne de thèmes bien étoffés, bien assez consistants pour ne pas rediscuter abondamment le sujet.

Pour le praticien en la matière qui " vibre " en son fort intérieur cette discipline de vie, le Kung-Fu et, qui de plus, est praticien dans le travail social, animateur / assistant social, il ne peut que mettre en corrélation les multiples facettes, composantes et similitudes, de ces deux domaines de forte socialisation. Comment pourrait-il faire autrement ?

Nous avons vu que l'art martial pratiqué dans les règles de l'art anime et stimule les besoins essentiels et fondamentaux de l'être humain et, s'il est vrai que nous retrouvons aisément dans sa pratique les différentes formes d'apprentissage (rituels, valeurs, pédagogies, transcendance, etc) nécessaires pour autoriser l'accomplissement de soi, de soi vers l'autre et de l'environnement, nous constatons aussi l'importance des notions et méthodologies du travail social en tant que lignes de forces conductrices vers un développement de " l'art martial " adaptable aux exigences de notre société. Au fait, les deux vont de paire et il est bon d'en faire le constat, car ainsi il est possible de légitimer l'usage des arts martiaux, du Kung-Fu, dans le contexte du travail social. Un fait qui, à ce jour, n'est nullement reconnu ni envisageable dans notre société occidentale.

Pourtant, les analyses de cette étude sont claires : le Kung-Fu (le Wu-Shu) est un champ d'action au développement et à l'accomplissement de l'être autant de manière essentielle (essence) qu'existentielle (existence). D'autres civilisations en font le bénéfice et la jouissance depuis des millénaires. Des millions d'individus se préservent des agressions de la vie, d'ordre psychique ou physique, par la pratique des arts martiaux. Des millions d'individus trouvent dans ces disciplines une nouvelle manière de percevoir la vie, de vivre de manière plus harmonieuse et rééquilibrante. Autant la santé du corps et de l'esprit que le respect de soi et d'autrui, de même que les multiples et constants rapprochements avec la nature font du Kung-Fu une voie, une méthode, un art de vie extrêmement intéressant pour tout individu qui s'y prête.

L'art martial transmet un tel pouvoir de socialisation qu'il provoque, le désenchantement quotidien de cet automatisme effréné que l'être humain subit dans nos sociétés méga-structurées.
Par la pratique, le praticien devient d'abord conscient de ce tout qui l'envahit, ensuite il intègre cette nouvelle conscience en soi de soi, puis devient différent, puisqu'il est, d'une part, enrichi de par sa pratique et d'autre part, il enrichi sa pratique. L'apprentissage de son art martial accorde sa propre conscientisation; la voie.

De ce fait, l'art martial peut être une fin de vie en soi ou une méthode de mieux vivre. Dans cette étude, je n'ai point focalisé mon thème sur le genre de communauté philosophique ou religieuse dont les arts martiaux sont précurseurs et, des facultés de ces dernières à rendre l'Homme " cohérent " (d'après leur point de vue..., bien entendu). Ce sujet m'aurait amené à voir les choses de manière sans doute trop sectaire, et là n'est pas la question !
Il a été surtout question de témoigner de l'intérêt de l'art martial et plus précisément du Kung-Fu, pour améliorer sa vie de tous les jours : le Kung-Fu en tant qu'humilité, spontanéité et simplicité profonde, que forme de ritualisation adéquate, que champs d'actions favorables, que thérapie de vie, conforme aux besoins de tout individu pour son accomplissement personnel face à son monde en perdition, déséquilibré, enclin à l'anomie, altéré dans ses énergies, imbibé de violence.

La sublimation, propre à la nature, la dualité qui est en elle, crée cette énergie de constante sublimation ( le Tao ). L'Homme au même titre que la nature, en tant que produit de celle-ci transforme en lui sans cesse ses éléments d'apprentissage de vie dans des cycles perpétuels afin de parfaire continuellement sa propre socialisation. L'Homme est en constante évolution. Comme de manière intrinsèque l'Homme fait partie de cet univers en tant que microcosme de ce macrocosme naturel qui nous entoure : il est médiateur de cette évolution, influençant considérablement l'évolution du monde.
Le Kung-Fu est un des moyens, une méthode parmi tant d'autres permettant cette quête d'évolution, mais encore l'accomplissement de cette évolution.

Si le Kung-Fu est une parfaite " poésie du combat ", c'est pour ironiser d'autant mieux le combat en tant que tel. La violence, le conflit, les rivalités sont nécessaires, ils font partie de la nature humaine. Cependant, il est aussi naturel de sublimer cette violence en des formes d'expressions adaptées, conformes à l'équilibres des choses. Les arts martiaux, le Kung-Fu permettent la sublimation, d'où l'intérêt de l'usage de cette discipline dans le contexte du travail social.

Evidemment, la pédagogie, l'éducation qui s'en suit doit correspondre aux valeurs essentielles et existentielles de l'être humain et de la société dans laquelle nous vivons. La pédagogie de l'art martial est déjà très intéressante en soi, car elle possède de nombreuses références pédagogiques liées à sa philosophie, aux rituels et composantes du Kung-Fu. Toutefois, l'apport massif de notions de type " travail social " permet d'affiner son action dans une direction plus judicieuse, redimensionnée, adaptée à l'être humain d'aujourd'hui dans notre type de civilisation actuelle. La cohésion d'une juste corrélation entre le Kung-Fu et le travail social autorise des moyens fabuleux de socialisation, de prise de conscience et de conscientisation par rapport à soi-même, autrui et l'environnement. Là est la mission, là est la voie, là est le yin, là est le yang.